Mai 2023

"Comment isoler le sentiment de marché concernant les risques liés au changement climatique ?"

Ce sont des sujets d’actualités très récurrents : les impacts du changement climatique de plus en plus visibles, la réglementation européenne sur la finance durable, assez contraignante et qui avance rapidement, les annonces des entreprises sur leur stratégie bas-carbone… a priori, tout ceci devrait impacter les marchés financiers, souvent sensibles à toute information qui pourrait avoir une incidence sur la performance financière et extra-financière d’une entreprise. Mais comment capter les sentiments de marché et les mouvements de prix uniquement liés aux risques climatiques ?

Tout d’abord, on distingue généralement trois types de risques liés au changement climatique qui peuvent faire évoluer le prix d’un actif (source : Task Force on Climate-related Financial Disclosure) :

  1. les risques physiques liés à la modification des tendances climatiques (montée des eaux, inondations, incendies, tempêtes, cyclones) qui augmentent en fréquence et en amplitude ;
  2. les risques de transition résultant du passage à une économie bas carbone, sous la forme de changements politiques, légaux et technologiques ; parmi ceux-ci les risques réglementaires sont aujourd’hui perçus par les investisseurs comme impactant le plus les prix ;
  3. les risques de responsabilité, qui apparaissent lorsqu’un tiers cherche à obtenir une réparation des dommages subis par les risques physiques ou les risques de transition ; par exemple, une entreprise qui ne divulgue pas son exposition aux risques climatiques s’expose à des représailles par ses propres investisseurs ou par la réglementation.

 

Les risques physiques sont extrêmement difficiles à capter ex ante, car ils surviennent principalement à la suite d’événements climatiques imprévisibles et de gravité inconnue. Ils peuvent avoir un impact brutal et difficile à anticiper sur le prix d’un actif. Les risques de responsabilité sont souvent considérés comme des conséquences directes d’une mauvaise gestion des risques climatiques par une entreprise, ce sont des effets secondaires difficiles à isoler. Les risques de transition sont ceux auxquels les investisseurs s’intéressent le plus aujourd’hui et qui sont donc les plus susceptibles d’être la source de mouvements de prix.

 

Une partie de la recherche académique active est orientée sur cette problématique : le défi d’isoler les risques liés au changement climatique dans les prix des actifs. Une des méthodes est de construire un facteur pour isoler le risque systématique lié au changement climatique, souvent appelé facteur « green-minus-brown » ou « brown-minus-green » (tout dépend de quel portefeuille est short). Différentes méthodes sont possibles pour isoler deux portefeuilles :

  • un portefeuille « green » : entreprises avec les émissions carbone directes et/ou indirectes les plus faibles, entreprises avec des activités économiques liées à la production d’énergies renouvelables, entreprises non concernées par une taxe carbone ou par des quotas carbone ;
  • un portefeuille « brown » : entreprises avec les émissions carbone directes et/ou indirectes les plus faibles, entreprises dont les activités sont concernées par une taxe carbone ou des quotas carbone.

 

L’équipe de recherche de Fideas Capital a développé un facteur green-minus-brown avec une méthodologie particulière : en s’appuyant sur les performances d’indices dits « dark green », qui captent les valeurs au cœur de la transition écologique (RENIXX, S&P Global Clean Energy Index, MSCI Global Environment Index), on construit une tendance ou un signal de marché bas-carbone. Le facteur « green-minus-brown » est construit avec des actifs ayant les plus fortes sensibilités par rapport à cette tendance : il est long en valeurs très positivement corrélées à cette tendance (portefeuille « green »), et short en valeurs très négativement corrélées (portefeuille « brown »).

 

La construction de ce facteur « green-minus-brown » nous apprend plusieurs éléments :

  1. Il y a une différence nette de rendements entre les valeurs au cœur de la transition écologique et les valeurs qui s’exposent de manière outrancière aux risques climatiques. En analysant le graphe ci-dessous, on remarque que la différence de performance entre les portefeuilles brown et green est moindre jusqu’au rebond économique post-covid. Les valeurs vertes surperforment largement les valeurs brown durant cette période. Cette surperformance a brutalement disparu au début de l’année 2022.
  2. L’ajout du facteur green-minus-brown à un modèle multifactoriel d’évaluation des prix (par exemple Fama-French à 5 facteurs, ou le modèle Carhart) améliore sensiblement ce dernier : le prix des actifs financiers a donc, en moyenne, une composante liée au risque climatique.
  3. On peut construire une nouvelle mesure du risque climatique en utilisant la sensibilité (β) du prix des actifs au facteur « green-minus-brown », celle-ci ayant plusieurs avantages par rapport à de la donnée fondamentale (comme la trace carbone, la part verte ou la consommation d’énergie fossile) : elle est plus dynamique, plus facile à actualiser. Complémentaire à la donnée fondamentale, elle permet de mesurer l’exposition au risque dans le cas où cette dernière est manquante. Enfin, elle permet d’obtenir une métrique homogène, qui rassemble un consensus d’investisseurs sur l’exposition au risque d’une entreprise.
  4. Au-delà des considérations de prix, le facteur green-minus-brown semble également diversifiant, puisque comme montré sur le graphique dans le lien ci-dessous, il est peu corrélé aux autres facteurs.

                                                             Performance relative des portefeuilles « green » et « brown » après la signature de l’accord de Paris

 

 

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