Une avancée technologique majeure dans l’extraction du lithium ?

• Une avancée technologique majeure dans l’extraction du lithium ?

   

  En décembre dernier, l’entreprise française Adionics a levé 25 millions d’euros auprès de divers investisseurs dont BPI France et l’entreprise chilienne SQM, un des leaders mondiaux du lithium. A l’origine du succès de cette entreprise, une nouvelle technologie d’extraction directe du lithium (DLE), qui permet d’accélérer la phase d’extraction avant qu’il ne soit raffiné et de réduire considérablement la consommation d’eau, comparée à la technique traditionnelle d’évaporation. Revenons sur les enjeux autour de ce minéral, et les évolutions à venir.

  Le lithium fait partie des « minéraux critiques » pour la transition écologique. Il est en effet essentiel dans les secteurs clés : la mobilité durable et le stockage d’énergie principalement. Dans un scénario net zéro (Agence Internationale de l’Energie), la demande en lithium serait multipliée par 40 en 2040 par rapport aux niveaux de 2020 : elle atteindrait 1,3 millions de tonnes alors que la production ne dépasse pas les 0,18 millions de tonnes en 2023. Les niveaux de production sont donc colossaux et les projets doivent être multipliés afin de respecter les objectifs net-zéro.

   

• Le lithium est principalement utilisé dans la production de batteries (il est aussi utile pour la production de céramique et de lubrifiants). L’évolution du prix du lithium influence très fortement les prix des batteries à base de lithium, qui représentent aujourd’hui l’immense majorité des batteries produites : en 2022, la batterie lithium-nickel-manganèse (lithium-ion) représentait 60% des parts de marché, mais la part des batteries lithium-fer-phosphate (LFP) n’a cessé d’augmenter ces dernières années, étant aujourd’hui à 30% du marché selon l’AIE. Les batteries LFP sont en effet moins coûteuses et beaucoup plus attractives, à l’heure où une véritable guerre des prix se livre en Chine.
• Le processus d’extraction du lithium a beaucoup évolué ces dernières années, en particulier grâce au développement d’une nouvelle technique, l’extraction directe (Direct Lithium Extraction ou DLE). Les ressources naturelles de lithium se trouvent sous forme solide (roche appelée pegmatite) ou liquide (saumure) ; le Chili, l’Argentine et l’Australie sont les trois plus gros pays en termes de réserve, le Chili et l’Argentine ayant principalement des réserves de saumures (salars) et l’Australie des carrières de pegmatite. La Chine importe une partie importante des roches australiennes afin de raffiner le lithium. La roche est extraite, puis concassée afin de séparer le lithium des autres composants. Les réserves de lithium sous forme de saumure sont plus importantes, mais le processus était, jusqu’à ces dernières années, beaucoup plus long, puisqu’après avoir pompé la saumure dans les sols, il fallait attendre presqu’un an que l’eau s’évapore en surface afin de recueillir le lithium. Cela posait plusieurs problèmes, notamment parce que l’eau évaporée était perdue alors que les salars sont des réserves d’eau stratégique ; d’autre part, un volume important d’eau était également utilisé pour traiter la matière première et isoler le lithium.
• Le DLE, technique apparue très récemment et pas encore développée à l’échelle industrielle, est un procédé permettant de corriger certains problèmes du processus d’évaporation. Il est d’ailleurs inspiré du processus utilisé pour extraire du gaz de schiste (qui sert beaucoup moins la transition…). Après le pompage initial de la saumure, le mélange est passé à travers une membrane qui filtre spécifiquement les ions lithium. Ce procédé a de nombreux avantages : il est beaucoup plus rapide que l’évaporation, les émissions de gaz à effet de serre seraient diminuées de 50%, la consommation en eau serait également drastiquement réduite, avec des possibilités de recyclage. Enfin le rendement de ce procédé serait bien meilleur (>80% quand le rendement usuel est au maximum à 60%), ce qui donnerait un prix de revient du lithium comparable à celui du processus d’évaporation. Il faut désormais industrialiser cette technique, qui pourrait même permettre la multiplication des projets d’extraction de lithium. Selon l’entreprise Adionics, les CAPEX/OPEX diminueraient de 40% par rapport au procédé d’évaporation.