Mars 2024
CSRD et la cohérence d’ensemble du système de décarbonation
A l’heure où la presse se fait écho des nombreux reculs d’exigences et de dépenses en faveur du climat, on va devoir se tourner vers les efforts privés et leur financement, privé également.
A cet égard, CSRD vient boucler un ensemble cohérent d’exigences de reporting de durabilité et, modulo une amélioration de la directive SFDR, l’épargne aura les moyens de voter pour l’abaissement des émissions, qui sera de surcroit dans son propre intérêt financier, car elle accompagne une volonté et des financements publics qui, même si on réduit dangereusement l’effort, ne reculent pas … encore.
Soulignons donc quelques caractéristiques majeures de CSRD, qui montrent la cohérence d’ensemble du système qui se met en place. Nous nous focaliserons ici sur le climat et la décarbonation, mais CSRD couvre bien sûr l’emploi des autres ressources naturelles, les questions sociales et la gouvernance, heureusement, dans un même cône d’aspiration durable.
Tout d’abord, ce sont les acteurs de la finance qui ont été mobilisés. Du seul fait d’avoir à reporter sur la durabilité de leurs investissements, ils ont assez naturellement été enclins à améliorer leurs pratiques. C’est en se pesant qu’on se trouve trop lourd, pour le climat, et c’est pourquoi on réfléchit à sa diète. SFDR nous pèse, dans le bon sens du terme ! CSRD pèsera sur les entreprises dans le même sens. Mesurer est le premier pas d’une prise de conscience.
CSRD est construit en cohérence avec des principes et des méthodologies qu’on connait bien :
- analyse en double matérialité, c’est-à-dire prise en compte des risques qui affectent l’entreprise, mais aussi de son impact sur l’environnement, à commencer par le climat
- mesures d’émissions selon le GHG Protocol
- mise en œuvre des principes élaborés par le TCFD
- mesure des trajectoires en comparaison aux scénarios SBT (Science Based Target)
- points de données cohérents avec les données nécessaires à nos évaluations, notamment les PAI (principales incidences négatives, en français)
- points de données et descriptifs des Capex et Opex du reporting Taxonomie
Mais ce n’est pas tout !
CSRD va considérablement améliorer la donnée dont nous disposons pour juger les entreprises, elle sera maintenant publiée et auditée. CSRD demande en outre de consolider les entités dont l’entreprise qui reporte a le contrôle opérationnel, avec ou sans participation majoritaire.
CSRD impose de travailler sur la chaine de valeur, ce sera d’abord à partir d’estimations, comme le font déjà les agences de notation, mais on peut croire qu’elles seront plus précises. On peut aussi penser qu’en publiant son « scope 3 » on veuille l’améliorer, demander de la donnée réelle et préférer les fournisseurs les plus matures et les mieux alignés. Un système vertueux de diffusion des pressions.
CSRD aura un rythme d’extension rapide :
- dès 2025, sur données 2024 pour les grandes entreprises cotées (marché règlementé) de plus de 500 salariés et ayant soit plus de 40M€ de chiffre d’affaires soit plus de 20M€ de total de bilan
- dès 2026 sur données 2025, pour les entreprises remplissant deux des trois critères de plus de 250 salariés, plus de 40M€ de chiffre d’affaires, plus de 20M€ de total de bilan
- entre 2027 et 2029 pour quasiment toutes les entreprises
Mais CSRD permet à des entreprises plus petites, par exemple moins de 750 salariés pour le 1er groupe, de faire l’économie de certaines données.
En revanche concernant les entités financières, soyons conscients que beaucoup d’entre nous, professionnels de la finance, ne serons pas seulement lecteurs mais aussi soumis à l’obligation de reporting, directement ou du fait de notre appartenance à un groupe.
CSRD enfin, de manière cette fois précise et documentée, fait du plan de transition et de ses objectifs un élément essentiel du dispositif de reporting. Le plan de transition est une information essentielle, trajectoire et objectifs de décarbonation étant les critères d’appréciation de la capacité, projetée dans le temps, de l’entreprise à performer dans un futur décarboné. Les sociétés ayant les meilleurs plans surperformeront leurs pairs, les investisseurs auront de meilleurs moyens de le constater et d’en tirer profit.
Ce focus sur le plan met CSRD parfaitement en cohérence, enfin, avec les démarches de planification de transition, comme « ACT pas-à-pas » dont notre SICAV Fideas ACT for Climate fait promotion et l’assistance pratique auprès de ses participations. Mieux, et nous travaillons avec l’aide de l’ADEME à le documenter précisément, la démarche ACT pas-à-pas est par elle-même préparatoire au reporting CSRD attendu.
Ah oui, enfin, j’oubliais, dans CSRD l’entreprise choisit de reporter sur ce qu’elle considère « matériel » concernant son activité … mais pour le climat, ESRS E1, pas le choix de choisir, il est obligatoire ! C’est aussi le cas du 1er module S1 de reporting social.
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