Février 2023
2023 : l'année du verdissement de la politique monétaire de la BCE
La BCE a annoncé depuis longtemps son intention de prendre en compte les critères ESG et en particulier de verdir sa politique monétaire. Il faut dire qu'elle s'était jusqu'à présent efforcée de mener une politique neutre, en refinançant les banques sans discrimination autre que le risque crédit du papier mis en pension, ou en achetant des titres en ligne avec la distribution sectorielle de l'ensemble du marché obligataire.
Le 10 janvier, I. Schnabel a souligné la nécessité de verdir l’économie, elle s'est réjouie de l'augmentation récente du greenium (la prime de rendement entre les obligations vertes et les autres) et elle a confirmé que la BCE elle-même allait verdir sa politique monétaire (https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2023/html/ecb.sp230110~21c89bef1b.en.html). Pour cela il lui a fallu construire des outils de mesure pour déterminer ce qui est ESG et particulièrement ce qui est vert.
C'est en partie chose faite, les outils ont été présentés le 24 janvier (https://www.ecb.europa.eu/stats/ecb_statistics/sustainability-indicators/html/index.en.html). Cela commence par définir la trace carbone des sociétés, en tenant compte des différents scopes. Ensuite elle classifie ce qui est un instrument financier ESG et ce qui ne l'est pas, en allant au-delà des simples obligations vertes ou des sustainability-linked bonds, pour regarder qui les émet, qui les place et qui les détient. Bien sûr la BCE a étudié les émissions carbone des établissements qu'elle supervise. Mais elle essaye aussi d'établir le rôle des différents instruments financiers (actions, obligations, prêts) dans le financement des émissions carbones des entreprises, selon le scope, et quels types d'établissements financiers les financent. Dès lors elle va prendre en compte les impacts de 7 effets physiques du dérèglement climatique sur la nature et l'économie (du stress hydrique aux inondations en passant par les incendies et les tempêtes) pour mieux en analyser les conséquences sur les établissements financiers qu'elle est en charge de contrôler.
L'étape suivante sera de mettre en œuvre une politique monétaire verte ce qui pourrait se faire selon trois axes. Primo, transformer le portefeuille de titres détenus en augmentant la part d'obligations vertes et similaires et en baissant la part des titres émis par les entreprises les plus polluantes. Mais si cette politique est facile et efficace en période de Quantitative Easing, ce sera bien plus difficile en période de Quantitative Tightening (car elle ne s'applique aisément qu'à la fraction réinvestie des obligations venant à maturité). Il n'est pas exclu que la BCE puisse vendre certains titres détenus. Deusio, renchérir le financement des activités polluantes et alléger le coût pour les activités vertueuses via de nouvelles conditions pour le refinancement bancaire, en jouant a minima sur le haircut des titres, ou bien en limitant la part des titres gris apportés en garantie. A terme un refinancement à deux vitesses pourrait être envisagé. Tertio, en durcissant les stress tests climatiques déjà en place, et en obligeant par exemple les établissements bancaires à détenir plus de capital lorsqu'ils participent de façon importante au financement d'activités peu vertueuses.
Tout cela vise à procurer des financements à meilleur marché pour les activités vertes, émettant peu de carbone ou visant à réduire les émissions actuelles. C'est particulièrement important dans un contexte de taux d'intérêt plus élevés sachant que décarboner l'économie exige le plus souvent des investissements lourds. Bien sûr la BCE est claire, cette nouvelle politique monétaire verte ne se fera pas au préjudice de la lutte contre l'inflation qui demeure son objectif prioritaire, conformément à ses statuts.
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