Avril 2024

La nécessaire et difficile communication sur les engagements climatiques

Les investisseurs, mais aussi les consommateurs, les institutions publiques, etc., attendent que les entreprises annoncent et communiquent sur leurs engagements climatiques. De leur côté, ces dernières années, un grand nombre d’entreprises ont mis en avant leurs actions de défense de la planète, pour des raisons d’abord liées à l’adhésion de leurs clients à leurs produits et pour renforcer leur pricing power, une proportion significative de clients pouvant être prêts à payer davantage pour une marque engagée.

Ces communications peuvent être positives, mais elles sont parfois erronées, exagérées sur les bienfaits environnementaux de leurs actions, ou simplement maladroites. De manière générale, dès qu’une entreprise met en avant les bénéfices environnementaux de ses produits, ONG, acteurs engagés pour le climat, experts, associations de consommateurs sont à l’affût et n’hésitent pas à dégainer des accusations de greenwashing (traduit par “écoblanchiment”), parfois justifiées.  Des exemples peuvent être trouvés sur “Perle du greenwashing” (LinkedIn). Ainsi, un billet d’avion zéro carbone est nécessairement une communication de type greenwashing.

Entre engagements climatiques réels ou douteux, et des remises en cause systématiques de leurs impacts, une tendance se développe chez les investisseurs à accorder de moins en moins d’importance aux efforts climatiques des sociétés. Ces efforts sont pourtant essentiels dans un monde où le réchauffement est bien réel, même si l’utilité de l’ESG semble en partie remise en cause ces deux dernières années. Ce n’est pas parce que les portefeuilles ESG ont sous-performé que le problème du réchauffement climatique a disparu !

Rappelons que, pour un investisseur, il existe trois types de risques dont les conséquences en euros sont bien réelles :

  • Les risques physiques : ce sont les conséquences du réchauffement sur une entreprise, des actifs réels. Par exemple, l’alternance sécheresse / inondations peut impacter de manière élevée la valeur de millions de biens immobiliers en France.
  • Les risques de transition : ce sont tous les risques liés à la transition, qu’il s’agisse de l’évolution des attentes des clients, de l’évolution des normes qui peuvent rendre non rentables des outils de production, etc. Par exemple, le « décret tertiaire », impose aux entreprises d’améliorer la performance énergétique de leurs bâtiments abritant des activités tertiaires.
  • Les risques de responsabilité : ils peuvent impacter les Etats, les entreprises et même leurs administrateurs à titre personnel. Procès et dédommagements en question !

 

La mauvaise publicité liée au greenwashing se répandant vite, certaines entreprises préfèrent adopter une attitude opposée. Afin d’éviter tout risque d’être attaquées pour greenwashing, certaines entreprises choisissent de taire leurs engagements et actions environnementales : on appelle cela du greenhushing (éco-silence). Cela ne les empêche pas d’être dénoncées pour manque de transparence ou manque d’adhésion publique à la lutte contre le réchauffement climatique.

 

Pour ne rien simplifier, les ONG peuvent elles-aussi présenter les choses d’une manière non nécessairement objective. Le Réveilleur vient ainsi de publier une vidéo pour Le Monde, “Les riches polluent-ils plus ?” qui revient sur les présentations problématiques de certains articles au titre potentiellement trompeur. Par exemple, un véhicule thermique consomme des énergies fossiles. Certains vont affecter 100% des émissions de gaz à effet de serre dues à l’utilisation de ce véhicule à la compagnie pétrolière, d’autres 100% à ses actionnaires, d’où des articles annonçant que “les riches sont massivement responsables des émissions de la planète”. La vidéo se réfère à un article de l’économiste Antonin Pottier qui est beaucoup plus nuancé sur ce sujet. D’autres facteurs sont très significatifs : si les ménages plus aisés ont des logements plus grands et donc en théorie plus émetteurs, ces logements sont généralement mieux isolés ; en moyenne, un ménage vivant à la campagne émet plus qu’un ménage vivant en ville ; etc.  Comme toujours, on ne peut pas adopter une vision simpliste sur un sujet climatique.

Et, nouveauté, les entreprises, qui étaient sur la défensive, commencent elles-aussi à changer de posture. Par exemple, TotalEnergies a décidé d’attaquer Greenpeace et autres ONG pour information trompeuse. La procédure n’en est qu’à ses débuts, elle sera intéressante à suivre.

Pour revenir à notre démarche d’investisseur, nous retenons que s’intéresser aux capacités de transition des entreprises est essentielle, c’est une tendance lourde qui impactera les performances boursières sur le long terme. Analyser ces transitions doit être fait de manière non idéologique, et doit donc reposer sur l’analyse des données qui seront de plus en plus nombreuses et fiables avec le temps. Aussi pénibles que la production et l’analyse de ces données puisse paraître aujourd’hui, CSRD ou la taxonomie européenne devraient permettre aux investisseurs d’affiner leurs analyses sur la transition des entreprises. Soyons en mesure de pister et de comprendre ces évolutions.

 

Sources: https://greenly.earth/fr-fr/blog/guide-entreprise/greenhushing-dommage-collateral-du-greenwashing; https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/3-169OFCE.pdf ; https://www.lemonde.fr/planete/video/2024/03/02/climat-est-ce-que-les-riches-polluent-vraiment-plus-que-les-pauvres_6219699_3244.html ;

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