Décembre 2022

Neutralité carbone, net-zéro, zéro absolu…?pour enfin y voir clair !

 

On retrouve ces termes partout : dans les présentations des grandes entreprises, sur les sites internet des compagnies aériennes, des agences de voyage, de tous les produits du quotidien… Pourtant ces termes sont souvent employés de manière floue, voire erronée. Pire, lorsqu’on creuse un peu, la plupart de ceux qui les emploient n’en connaissent pas la définition exacte. Petit guide pour (enfin !) ne plus se tromper lorsqu’on parle zéro émission.

 

Budget carbone et puits de carbone

Pour bien comprendre le concept d’émissions nettes, donc de prise en compte d’émissions négatives, il faut remonter à la notion de budget carbone. Chaque année, l’extraction et l’usage d’énergies fossiles, les activités de déforestation et de changement d’usage des sols sont responsables d’émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Si l’on considère par exemple le dioxyde de carbone (CO2) les émissions de 2022 s’élèvent à 40,6 milliards de tonnes de CO2 (GtCO2). La biosphère, par la photosynthèse, absorbe en moyenne 11 GtCO2 et les océans absorbent en moyenne 10 GtCO2 par an : ce sont les deux puits de carbone de la planète.

Reste un excédent d’environ 20 GtCO2, qui reste dans l’atmosphère et s’accumule chaque année : en 2022 on compte 417 parties par millions de CO2 (417 molécules de CO2 pour 1 million de molécules d’air), contre environ 277 ppm en 1750, soit une augmentation de 51% ! Cela induit un effet de serre additionnel et une augmentation de la température atmosphérique. Pour limiter l’augmentation de température à +1,5°C, il nous reste un budget de 380 milliards de tonnes de CO2, soit 9 ans d’émissions de carbone.

 

Réduire ou compenser les émissions ?

Une définition découle facilement du budget carbone : la neutralité carbone à l’échelle planétaire. Elle est atteinte lorsqu’il n’y a plus d’excédent de gaz à effet de serre restant chaque année dans l’atmosphère : toutes les émissions de gaz à effet de serre sont absorbées par les deux puits de carbone, la biosphère et les océans. Ces deux puits ont des capacités d’absorption limitées, qui diminuent par ailleurs avec l’augmentation du réchauffement climatique : il faut donc drastiquement diminuer nos émissions pour atteindre cette neutralité carbone à l’échelle planétaire.

 

La neutralité carbone pour une entreprise

La neutralité carbone pour une entreprise n’est pas la même chose que la neutralité carbone à l’échelle de la planète, elle n’a même pas beaucoup de sens.

Lorsque les entreprises font leur bilan carbone, qui évalue l’ensemble des émissions de CO2 dont elles sont directement et indirectement responsables, elles peuvent diminuer leur impact par des mécanismes de compensation : elles peuvent s’appuyer sur une absorption de leurs émissions en utilisant les puits de carbone naturels ou avec des technologies de captage du dioxyde de carbone. Cela leur permet d’équilibrer une mauvaise performance environnementale par le financement de projets de réduction de CO2 ou de séquestration du carbone. Or on l’a dit, les capacités de séquestration du carbone sont limitées et aujourd’hui ; les entreprises s’appuyent de manière excessive sur ces émissions négatives pour continuer à polluer. Ce qui fait sens, c’est de parler de neutralité carbone au moins à l’échelle d’un pays.

Une entreprise peut affirmer qu’elle est « neutre en carbone » parce qu’elle compense toutes les émissions carbone de sa production, mais pas celles liées à la construction des routes pour acheminer les produits, ni les émissions liées à l’utilisation des produits par les clients, etc… Attention au greenwashing !

 

Et le net-zéro ?

A l’échelle planétaire, il n’y a aucune différence entre le net-zéro et la neutralité carbone. Pour une entreprise le net-zéro impose plus de contraintes que la neutralité carbone « arithmétique » : avant toute compensation carbone, une réduction drastique des émissions de CO2 s’impose. Aujourd’hui il existe des organismes qui travaillent avec de grands groupes pour définir des trajectoires net-zéro, qui sont compatibles avec la neutralité carbone planétaire.

Le zéro absolu correspond à une diminution des émissions pour une entreprise ou un pays sans aucun mécanisme de compensation des émissions, jusqu’à leur suppression totale.

 

Pour résumer :

  • La neutralité carbone n’a de sens qu’à l’échelle planétaire, elle impose un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et la quantité de gaz à effet de serre absorbée par les deux puits de carbone planétaires.
  • Il n’y a aucune différence à l’échelle planétaire entre la neutralité carbone et le net-zéro. Une entreprise affichant un objectif « net-zéro » validé par un organisme certifié aura des objectifs plus contraignants en termes de réduction des émissions avant d’envisager tout mécanisme de compensation.
  • Il faut toujours rester prudent avec les promesses de neutralité carbone des entreprises, et s’assurer de bien comprendre le périmètre dans lequel ces promesses s’inscrivent.

100 000 manifestants selon les organisateurs, 10 000 selon la police

Pour les émissions de Gaz à Effets de Serre, c’est l’inverse. Prenons l’exemple de TotalEnergies, attaquée par Greenpeace dans un long rapport début novembre (1), auquel l’entreprise répond fermement (2). Emissions « totales » (scopes 1, 2 et 3) du groupe de 469 millions de tonnes CO2eq selon TotalEnergies, 1 638 millions selon Greenpeace, soit 3,5x plus, c’est un peu plus que l’épaisseur du trait !

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