Mars 2023
Parfois, la réglementation sur la finance durable, c’est trop !
Les nombreux débats récents sur SFDR et les Articles 8 et 9 nous incitent à apporter notre opinion en contribution au débat.
La question du moment est le niveau d’exigence du fameux Article 9 « objectif d’investissement durable » de SFDR. Doit-il être un label, alors qu’il est conçu pour aligner le reporting avec l’ambition du gérant. Si c’est un label, doit-il signaler un engagement « extrême », « significatif » ou « sérieux » ? Nous avions d’abord cru comprendre qu’il allait être « significatif », comme la catégorie 1 de l’AMF par exemple ! A la lecture de son paragraphe 3 qui intègre les stratégies de « réductions des émissions de carbone », nous avions conclu que l’exigence de transition, de trajectoire, était centrale, cohérente avec les contraintes de la « réduction des émissions », qui imposent de travailler dans toute l’économie existante, émetteurs de CO2 évidemment compris. Depuis il semble qu’il y ait eu, là aussi, un épisode d’inflation. Une inflation de vertu, car par la suite, les RTS, sorte de décret d’application, et les documents « questions / réponses » ont durci le trait.
Dans ce contexte, il faut choisir. Si on acquiesce à ce durcissement, comme l’AMF, qui propose, aujourd’hui, de le concrétiser dans un nouveau texte SFDR, qui exclut les producteurs de pétrole et de gaz, on aura un Article 9 « extrême ».
Dans ce cas il faut traiter les risques associés à ce choix d’excellence, derrière lequel les fonds Article 8 deviennent un magma indistinct, allant de « anecdotique » à « significatif ». En effet,
- l’épargnant, incité au meilleur, peut suivre et se trouver investi sur des portefeuilles sectoriellement concentrés sur la chaine de valeur des énergies renouvelables, de la mobilité électrique ou de la construction zéro émission. Il est en risque de montagnes russes par rapport au marché, son rendement/risque n’est pas satisfaisant. C’est comme si un shampoing « écologique » vous teignait en vert ????
- soit, échaudé, ou prudent, il se détourne du durable en général, et alors c’est un mauvais résultat.
Nous pensons donc que derrière un Article 9 d’excellence, il faut identifier des offres de niveau « significatif » à couverture sectorielle plus large, qui illustrent qu’une économie immédiatement sans fossiles est une chimère dans la vie réelle, qu’on ne bannira pas l’essence avant d’avoir fermé les routes aux voitures et camions qui l’utilisent. Qu’on peut donc acheter Volkswagen et Renault, mais aussi Shell ou TotalEnergies, si les uns comme les autres visent le bon objectif ! Sans condamner ces derniers à un actionnariat indifférent à leurs efforts, encore moins européen qu’il n’est aujourd’hui, à 30%.
Après avoir parlé d’émissions carbone, de pétrole et de climat, on a l’impression que la durabilité se rapporte uniquement au climat. Et bien non ! n’oublions pas que les sociétés de gestion développent des portefeuilles « durables » sur des critères notamment sociaux et sociétaux qui n’ont rien à avoir avec le climat. Les niveaux d’exigence et les désirs d’excellence doivent être définis sur ce pilier-là, aussi.
Rappelons pour finir une autre inquiétude : on a mis la charrue de la finance avant les bœufs de l’économie réelle. Si les grandes entreprises ont effectivement commencé il y a quelques années à enclencher leur transition, au moins pour une partie d’entre elle, le mouvement est très léger pour les banques et les ETI. A la fin du mois dernier, les députés européens de la commission des affaires économiques et monétaires se sont accordés pour fixer une obligation pour les banques d’adopter un plan de transition climat. Il est temps de s’y mettre sérieusement quand même ! Avec la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), les grandes entreprises, puis les moins grandes, devront aussi bientôt rendre publiques les données de leur transition. Mais ça n’est pas encore fait ! Nous, financiers, sommes pourtant sommés par le régulateur de faire déjà un tri exigeant.
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