Septembre 2023
La transition énergétique est plus que jamais à l’ordre du jour : complexe, aux dimensions multiples, parfois désagréable, mais nécessaire et en route.
Comme l’an dernier, l’été nous a rappelé que le réchauffement climatique n’est pas un problème qui peut se dissoudre dans l’eau froide. Les incendies en 2023 ou la hausse des températures font partie des nombreuses piqûres de rappel pour tout un chacun[1]. Il est là pour durer.
Dans un tel contexte, les Etats et les entreprises doivent à la fois prendre les mesures nécessaires pour atténuer leur empreinte carbone et s’adapter à cet environnement, en prenant en compte toutes les conséquences : risques physiques (approvisionnement en eau, etc.), risques de transition (nouvelles réglementations, pressions des clients, etc.) et risque de responsabilité (ex. : action collective d’activistes contre des sociétés ; demandes d'aides des pays émergents, qui subissent le plus les conséquences du réchauffement, aux pays industriels, qui l’ont largement causé). Les progrès scientifiques permettent d’ailleurs d’avoir une estimation assez nette des mesures à prendre pour diminuer ces risques, notamment en matière d’adaptation au changement climatique.
Il s’agit d’une tendance de moyen-long terme que les investisseurs ne peuvent pas ignorer. Certes, les stratégies de décarbonation des portefeuilles ont pu décevoir, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique en Europe. Elles n’en demeurent pas moins incontournables, elles représentent une gestion de risque essentielle pour toute gestion.
Pour autant, il est évident que la lutte contre le réchauffement climatique doit prendre en compte d’autres dimensions essentielles :
- La souveraineté française et européenne : les débats sur le fait de diminuer notre dépendance aux producteurs d’énergie fossile pour nous mettre davantage entre les mains de la Chine sont plus que légitimes. Les dirigeants en sont pleinement conscients. Tout d’abord, la production d’énergies décarbonées sur notre sol est essentielle : solaire, éolien et nucléaire. De ce point de vue, les efforts décarbonation et d’indépendance vont dans le même sens. Pour les véhicules électriques, il faudra assumer de produire du lithium et de raffiner des terres rares en Europe. Quant aux terres rares, un gisement pourrait être exploité en Suède. Si on ne le fait pas, la transition risque d'accroître notre dépendance vis-à-vis de la Chine. Il est essentiel d’encourager et d’accélérer le financement de la recherche sur des moyens innovants de production d’énergies renouvelables (meilleur recyclage des terres rares, production de panneaux solaires sans métaux rares).
- Des inégalités géographiques majeures : il est frappant de voir que les investissements consacrés par le monde financier le sont essentiellement par les pays les plus avancés (pays occidentaux et Chine), pour eux-mêmes, alors que les conséquences les plus ressenties sont ailleurs (ex. : Pakistan). Par ailleurs, on peut se demander si 1 euro investi en Europe est plus ou moins efficace d’un point de vue réchauffement climatique qu’1 euro investi dans un pays émergent qui pourrait ainsi embrayer sur une croissance moins émettrice de CO2. Ces enjeux échappent pour leur plus grande part aux investisseurs, ils sont surtout du domaine des politiques, qui pourront toutefois se retourner vers les grandes entreprises pour qu’elles contribuent pour partie à relever ce défi.[2]
- La biodiversité et les limites planétaires (eau, etc.) : la résolution du réchauffement climatique seule ne permet pas de répondre aux autres enjeux environnementaux majeurs pour la durabilité des sociétés et des économies. Même si on n’émettait plus 1g de CO2, si l’on continue à produire autant, à utiliser autant de matières premières et d’eau, à endommager la biodiversité, les sociétés humaines devront faire face à des problèmes gigantesques. C’est l’une des raisons pour lesquelles les initiatives environnementales des investisseurs doivent aussi regarder ces dimensions. Les campagnes du CDP[3] sur l’eau et le plastique vont dans cette direction. La prise en compte des données des principales incidences négatives des sociétés (Principal Adverse Impacts ou PAI) également. Aujourd’hui, les données sur le réchauffement sont bien plus nombreuses et pertinentes, commençons donc par avancer sur ce sujet, mais n’oublions pas les autres !
En conclusion, l’investisseur ne peut pas faire l’économie de la prise en compte de la trace carbone des entreprises. L’évolution des données permettra graduellement d’en améliorer l’analyse. C’est ce que nous nous employons à faire chez Fideas Capital depuis des années, avec la conviction que nous allons dans la bonne direction, même si le chemin sera long et semé d’embuches.
[1] « Feux de forêt : en Europe, 40% de surfaces brûlées de plus que la moyenne récente, quatre fois plus en Grèce », Le Monde, 30 août 2023
[2] « Réparer un monde cassé : un nouveau consensus pour la finance globale », Laurence Tubiana, Elliott Fox, Le Grand Continent, 21/06/2023
[3] Le CDP (Carbon Disclosure Project) est une organisation mondiale non commerciale qui vise à inciter les entreprises, les institutions financières, les Etats et les villes à mesurer et publier leurs données environnementales, émissions de gaz à effet de serre, mais aussi eau, plastique, biodiversité. Le CDP repose sur un système collaboratif avec les émetteurs de CO2 (entreprises, collectivités locales, etc.) et les investisseurs, qui évolue dans le temps afin de prendre en compte un maximum de données extra-financières. La base de données du CDP alimente la plupart des agences de données extra-financières. Le CDP organise actuellement un forum européen, Fideas Capital était très heureux de participer à la session parisienne au printemps dernier.
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