Décembre 2024
Les Accords de Paris sont-ils morts ?
- Sale temps pour les Accords de Paris et pour les efforts internationaux de lutte contre le réchauffement climatique :
· Election de Donald Trump, qui considère ces efforts uniquement comme des freins au développement économique, qu’il convient par tous les moyens de supprimer.
· Déceptions attendues de la COP29 à Bakou : engagements financiers minimaux des pays riches pour aider les pays les plus défavorisés et touchés par le réchauffement climatique.
Ces deux événements cristallisent les inquiétudes sur le sens de la poursuite des efforts contre le réchauffement climatique de ceux qui jouent le jeu, à commencer par l’Union Européenne qui passe une fois de plus comme l’idiot utile, seule zone géographique à travailler véritablement sur l’amélioration de sa trace carbone. Si les Etats-Unis, 2ème émetteur de gaz à effet de serre, abandonnent, que fera la Chine, 1er émetteur aujourd’hui ? Au total, l’UE avance économiquement avec davantage de contraintes que ses concurrents mondiaux, et subira les conséquences sur son propre sol des choix des autres de continuer à émettre, puisque le lieu d’émission du CO2 n’importe pas quant aux conséquences du réchauffement climatique.
Faut-il alors désespérer et enterrer les objectifs de limitation d’émissions de gaz à effet de serre (GES) ? Pas certain.
Aux Etats-Unis, le renouvelable est devenu un vrai business qui, en tant que tel, est amené à se développer. En témoigne par exemple le fait que le rythme de développement des énergies renouvelables entre le premier mandat Trump et celui de Biden n’a pas été si différent que cela ; ou le fait que le Texas, berceau de la production de pétrole traditionnelle, connaît aujourd’hui une très forte croissance sur les énergies renouvelables, plus forte que celle de la Californie, pourtant en pointe sur la lutte contre le réchauffement climatique. On peut penser que ce que la nouvelle administration voudra, c’est continuer à développer les énergies fossiles, sans pour autant condamner l’ensemble des renouvelables et des technologies vertes (surtout avec Elon Musk dans le paysage). En revanche l’éolien offshore, majoritairement porté par des groupes européens comme Orsted et EDPR, pourrait faire du sur-place.
Ensuite, la recherche sur la décarbonation est intense et pourrait produire ses fruits. Il ne s’agit pas de tomber dans le technico-solutionnisme, i.e. dans la confiance invétérée que la technologie nous sauvera. On ignore ce qui sera inventé, quand, à quel prix, et à quelle échelle cela pourra être développé. Pour autant, il est probable que des découvertes seront réalisées. Là encore, pourquoi pas aux Etats-Unis, dont nombre d’entreprises, en incluant les compagnies pétrolières, financent des programmes nombreux.
Parlons aussi de ce qui rend compatibles fossiles et réchauffement, au moins pour partie : le Direct Air Capture, qui consiste à capter directement le CO2 dans l’atmosphère, pourrait par exemple fortement progresser. Encore une fois, rien n’est sûr, mais parier sur l’absence totale de découvertes sur un sujet de ce type nous semble trop pessimiste.
Le Vert reste une nécessité reconnue, ne pas lui permettre d’entraver le tracteur du Midwest est une chose, mais laisser ce green business aux chinois n’est sans doute pas très MAGA (le “Make America Great Again” de D. Trump).
- Passons maintenant à quelques constats sur la dernière COP.
L’empire du Milieu, derrière son accord de façade - en effet qui bénéficiera le plus de l’électrification du monde sinon la Chine, importateur majeur d’hydrocarbures ? - refuse catégoriquement d’être dans le camp des pays contributeurs à la transition des pays du Sud, et persiste à vouloir rester parmi les récipiendaires des aides, avec le 2ème PIB mondial...
De leur côté, les «contributions» des pays du Sud se limitent à demander aux pays du Nord de recevoir des «compensations» pour les 150 dernières années de non-industrialisation, et pour décarboner celles à venir. Les pays les plus développés et les grandes entreprises ont probablement un double intérêt économique et écologique à investir dans les pays du Sud. Pour avancer, l’essentiel serait d’établir un cadre mutuellement gagnant pour l’avenir, plutôt que de rester englués dans des discussions reposant sur le statut de victime des uns et de bourreau des autres.
Et puis il y avait les lobbies de tous bords, producteurs de pétrole et gaz en tête, venant consacrer une conférence qui semble le creuset de tous les égoïsmes court-termistes.
Dans cette perspective, parler de l’intérêt commun à long terme est plus qu’une gageure. Y parvenir serait un miracle?!
Que doit faire l’Union Européenne dans ce contexte ? Rappelons que l’UE est parvenue à faire baisser son empreinte carbone en 2023, en abaissant sa dépendance aux hydrocarbures par le truchement de construction de nouvelles capacités renouvelables et bientôt, espérons, nucléaires. L’UE c’est un petit 7% des GES mondiaux, évidemment bien davantage du stock de CO2 émis depuis 15 ans. Doit-elle battre sa coulpe pour le monde entier ?
Il lui faut sans aucun doute investir bien davantage dans l’adaptation de son économie et de ses infrastructures pour moins subir les conséquences du réchauffement climatique qui n’est pas dans ses mains. C’est essentiel car les Européens bénéficieront directement de ces investissements, contrairement aux efforts de lutte contre le réchauffement qui seront dilués.
Faut-il arrêter nos efforts de transition ? Nous pensons que non, pour des raisons stratégiques et économiques.
Jean-Marc Jancovici rappelle ainsi deux éléments importants :
· Kamala Harris avait elle-aussi peu d’ambition climatique ; et la croissance du pétrole de schiste a été réalisée sous Obama.
· L’Union Européenne, contrairement aux Etats-Unis, importe son énergie fossile, elle en est dépendante. Mieux vaut en consommer de moins en moins, pour des raisons de souveraineté.
Par ailleurs, si l’on pense, ce qui est notre cas, que les conséquences du réchauffement climatique vont être croissantes, ce sont les entreprises bas-carbone qui seront à terme les gagnantes, auprès des clients, des consommateurs, des appels d’offre des grands donneurs d’ordre publics et privés. Ce sont elles qui donneront le “la” des méthodes de production.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que l’Europe doit continuer à se décarboner.
Pour autant, il faudra que nous soyons encore vivants et en bonne santé financière pour défendre notre modèle. Il faut donc se réinterroger sur la vitesse de notre transition et les soutiens étatiques à fournir pour que nous ne perdions pas une partie de notre industrie en route, industrie qui serait reprise par les non-Européens, répondrait aux intérêts stratégiques de puissances non-engagées dans le bien-être de la planète. Nous risquerions de perdre sur les deux tableaux, économique et climatique.
Sources : (1) La réélection de Donald Trump met en péril l'objectif 1,5°C - Novethic; (2) La COP29 s'achève sur une promesse de 300 milliards de dollars par an, les pays en développement qualifient l'accord d'« insulte » | ONU Info; (3) Donald Trump élu président : une catastrophe pour le climat ? La réponse de Jean-Marc Jancovici
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