Juillet 2023

Le Système d’Echange de Quotas d’Emissions de l’Union Européenne, plus connu comme UE-ETS (Emission Trading System) est le mécanisme de quotas carbone qui veut réguler les émissions et donner un prix à la tonne de CO2.

L’idée initiale est simple : la limitation du réchauffement impose un stock limité de CO2 dans l’atmosphère, donc il existe a contrario un « solde à émettre » qui est une ressource finie. Il faut l’économiser maintenant et apprendre à s’en passer bientôt.

  • Le SEQE confie aux mécanismes du « marché » le rôle de déterminer un prix de la tonne de CO2 en créant des permis d’émettre, ou quotas, qui sont échangeables. Il en réduit le volume disponible pour en faire monter le prix. Le prix croissant du permis d’émettre renchérit les prix des biens et services émetteurs. Il en réduit la demande et rentabilise les process qui produisent ou fournissent sans ou avec moins d’émissions.
  • Le marché des quotas d’émissions est une démarche complémentaire à la règle, qui limite ou interdit, et à la taxe, qui renchérit d’un coût fixe.
  • Les règles peuvent accompagner les quotas, comme, l’interdiction depuis juillet 2022, en France, d’installation de chaudières au fioul, qui va se combiner à partir de 2026 à l’intégration du chauffage des bâtiments à un mécanisme SEQE, le prix des quotas payés par le vendeur de fioul se répercutant sur le prix.
  • La taxe carbone de 12 cts, abandonnée après qu’elle a déclenché la colère des gilets jaunes, illustre pour sa part les limites d’une taxe, sa perception d’abord, mais aussi son imperfection. Ces 12 cts correspondaient implicitement à un prix de 50 € la tonne de CO2, alors qu’il était alors à 25€, et qu’il est maintenant … proche de 100 €. 
  • Le développement de ce système, depuis 2005, son durcissement progressif, se sont heurtés à de nombreux obstacles et oppositions, qui en ont longtemps réduit l’efficacité, mais qui appartiennent peut-être au passé.

Créé à l’origine avec attribution d’autant de quotas gratuits annuels que le rythme historique d’émission de CO2 de chaque acteur concerné, le système a créé, avec la baisse d’activité de 2008-2009 des centaines de millions de tonnes de CO2 excédentaires qui ont durablement déprimé les prix, vers 3 à 5€ la tonne, le rendant inefficace.

La défense des intérêts nationaux et internationaux a limité l’efficacité du système, au nom de la protection des consommateurs notamment dans des activités ou des pays largement utilisateurs de ressources fossiles. L’aviation civile mondiale a refusé l’inclusion des vols vers et depuis l’Europe, le seul transport aérien intra-zone est donc assujetti. La Pologne a parfois demandé la disparition du système, ou d’en être exonérée.

Enfin le système n’est qu’européen alors que l’Union est largement ouverte, c’est la principale limite. Certaines activités de production sont délocalisables, elles peuvent échapper au système, on appelle cela des risques de fuite de carbone. Elles se sont donc vu attribuer des quotas gratuits. Seule la production d’électricité paye pour l’intégralité du CO2 émis.

C’est ainsi que le système est apparu inefficace pendant de nombreuses années malgré des réformes successives, des objectifs ambitieux et une réduction régulière des volumes de quotas créés. Le prix de la tonne de CO2 est ainsi resté inférieur à 20€ jusqu’en 2019, pour ne décoller réellement qu’en 2021 et atteindre maintenant 80€ et en vision prospective, sur le marché à terme, 100€ en décembre 2025.

Une réforme plus ambitieuse et l’acceptation d’une certaine forme de protectionnisme ont permis ce succès. Le MACF (autre sigle, Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières) va imposer aux importateurs l’achat de certificats, au prix du marché de la tonne de CO2. En même temps, les attributions de quotas gratuits vont cesser. L’ensemble débute en 2026 et fait enfin de l’Europe une zone fermée au carbone, qui peut donc gérer et atteindre des objectifs d’émissions en baisse et viser 55% de réduction en 2030, comparé à 2005. Premiers secteurs concernés par la MACF, le fer et l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais, l’électricité et l’hydrogène.

En outre, en créant un nouveau marché du carbone pour les bâtiments (combustibles fossiles de chauffage) et le transport routier (via les carburants), l’Europe met le prix du carbone dans le budget de tous.

Après une décennie perdue, SEQE et MACF forment maintenant un bel outil de lutte contre les émissions de CO2, tant que la volonté politique subsiste et qu’on ne multiplie pas les exceptions.

Editorial : La tarification du carbone, est-ce vraiment utile et efficace ?

Oui ! Et ce malgré un paradoxe apparent. D’un côté, les économistes plébiscitent une forme de tarification du carbone, que cela soit via des taxes, qui permettent aux Etats de fixer un prix au carbone, ou des quotas, ..../...

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Le chiffre du mois : de 1ct$ à 134 $ C’est la large fourchette des prix de la tonne de CO2 dans les 68 mécanismes existant au Monde de tarification explicite du carbone .../...

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Gestion financière

Le prix des quotas carbone est traité sur un marché, qui montre le prix par quota équivalent à une tonne de CO2. Les différents acteurs, industriels au premier chef, mais également, financiers, s’exposent à l’évolution des prix du carbone via des contrats futurs qui ont des échéances. Il est frappant de voir que plus l’échéance est lointaine, plus le prix est élevé. Cela montre la tendance haussière du prix du carbone à l’avenir.

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Le saviez-vous ?

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