La décarbonation du secteur du bâtiment
Une fois encore, nous nous appuyons sur la dernière étude de CIC Market Solutions publiée récemment et remercions chaleureusement ses auteurs, Nicolas Haese et Eva Zarbo : “Décarbonation du bâtiment à tous les étages !”
Ce secteur, très émetteur de CO2, est paradoxal : les leviers de décarbonation sont connus...
• La sobriété dans la conception des constructions neuves ;
• L’extension des rénovations limitant la consommation énergétique ;
• La substitution des énergies fossiles dans les systèmes de chauffage et de refroidissement ;
• L’utilisation de matériaux biosourcés en tant que puits de carbone.
Mais il est en retard dans le processus. Les différentes solutions doivent être coordonnées, et passées à l’échelle pour avoir un réel impact.
Parmi les leviers d’amélioration, la rénovation est la clé de voûte de la transition. “Le scénario Net Zéro de l’Agence internationale de l’énergie recommande de doubler le taux de rénovation annuel, en mettant particulièrement l’accent sur l’amélioration de l’isolation. Toutefois, la rénovation représente un chantier de longue haleine, souvent coûteux et complexe, ce qui décourage tant les investisseurs que les particuliers. L’enjeu crucial de la rénovation réside donc dans la recherche de combinaisons optimales entre bénéfices environnementaux et rentabilité économique. L’utilisation de matériaux durables et d’isolants recyclés constitue une excellente alternative.”
Selon la Commission européenne, la construction de bâtiments neufs ne représente généralement qu’entre 1% et 2% du parc immobilier total chaque année dans les pays développés. L’essentiel, c’est donc la rénovation du parc immobilier existant.
“D’après le World Economic Forum, la rénovation d’un bâtiment existant peut entraîner une réduction de 50 à 75% des émissions de carbone par rapport à la construction d’un bâtiment neuf. Cela s’explique par le carbone incorporé évité, qui représente 60% des émissions de gaz à effet de serre d’un bâtiment. Ce carbone, distinctif par sa nature « figée » dans la structure, correspond aux émissions associées aux phases non opérationnelles du bâtiment, notamment celles générées par l’extraction des matériaux, leur fabrication, leur transport, leur assemblage, ainsi que par la démolition du bâtiment. Ce carbone incorporé se distingue du carbone opérationnel émis pendant la phase d’exploitation du bâtiment, principalement par la consommation d’énergie. En matière de rénovations profondes, la réduction des émissions de GES oscille entre 30 et 50% par rapport aux niveaux initiaux, principalement grâce à la diminution de la consommation énergétique liée à l’exploitation du bâtiment. Un bâtiment ancien consomme en moyenne 16 fois plus d’énergie qu’un bâtiment neuf construit selon les normes passives (en moyenne 240 kWh/m2 contre 15 kWh/m2).”
La rénovation constitue pourtant un défi de taille !
En raison de l’état du parc pour commencer. Au moins 40% de la surface des bâtiments dans les pays développés a été construite avant 1980, date à laquelle les premières réglementations thermiques sont entrées en vigueur.
Pour parvenir aux objectifs du scénario Net Zéro de l’AIE, le rythme et la qualité des rénovations devraient être soutenus : il faudrait en effet rénover 20% du parc immobilier existant à un niveau zéro carbone d’ici 2030 ! Cela se traduirait par un taux annuel de rénovation profonde de plus de 2% d’ici 2030 et au-delà, contre un taux d’environ 1% aujourd’hui, la plupart de ces rénovations étant en outre superficielles.
Il faudra surmonter les coûts élevés, la complexité des travaux, les problèmes de compatibilité des technologies et des nouveaux matériaux avec les structures existantes, et améliorer la qualité des données sur la performance énergétique, et enfin répondre aux normes et nouvelles réglementations. On comprend que les prises de décisions sont complexes et que les démarchent ne soient pas prises sauf dans les cas où elles sont impératives. Le syndrome du ravalement à grande échelle !
Ainsi, tout l’enjeu de la rénovation repose sur le fait de trouver les combinaisons optimales entre gains environnementaux et rentabilité et économies de coûts.