Juillet 2024
Evolution de la transition en France
Dans le domaine de la transition énergétique comme dans d’autres, les invectives fusent et les approximations abondent. Il est difficile d’y voir clair. C’est pour cela qu’il est utile que certaines instances permettent de prendre de la hauteur et de mettre les chiffres, les événements, les réglementations, en perspective.
Ainsi, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) vient de publier son rapport annuel. Le HCC est un organisme indépendant chargé d’évaluer l’action publique en matière de climat et sa cohérence avec les engagements internationaux de la France. 1
Pour avoir été installé en 2018 par le Président de la République, il n’en a pas moins été critique à l’égard de sa politique. Nous reproduisons ci-dessous des extraits du début du résumé exécutif du rapport annuel, que nous invitons chacun à lire (le lien hypertexte donnant accès au rapport est en source de cet édito). Et ce d’autant que le constat est encourageant !
« La France a connu, pour la première fois en 2023 (hors crise Covid), un rythme de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre dont l'ampleur - si elle se maintient dans les années à venir - est cohérente avec une trajectoire de décarbonation permettant d’atteindre ses objectifs pour 2030. Les choix sociaux et économiques nécessaires pour tenir le cap de la décarbonation dans la durée commencent à se dessiner en France, dans un contexte également caractérisé par une attention accrue aux questions de réindustrialisation et de souveraineté énergétique et alimentaire. »
Les émissions de GES françaises ont baissé de 5,8% en 2023 par rapport à 2022, et de 31% par rapport à 1990. Malgré tout, le HCC insiste sur la nécessité de poursuivre les efforts engagés, sans quoi nous manquerons l’objectif.
« Les conditions de réussite de l'action pour le climat, dans la durée, comprennent : la lisibilité et la cohérence dans le temps ; la mise en place de trajectoires d’incitations publiques (dont une trajectoire des prix du carbone), d’investissements verts, de renouvellement des infrastructures et de régénération des écosystèmes forestiers ; et l'anticipation des besoins de résilience et des contraintes sur les ressources en eau et la biomasse. »
Ces efforts reflètent le besoin de diminuer l’impact français sur le changement climatique, mais aussi de s’adapter aux changements déjà existants et ceux qui seront, à court et moyen termes, inévitables. L’adoption rapide du prochain cadre légal et réglementaire est donc un enjeu important :
« Le retard de plus d’un an dans la publication des documents cadres relatifs à l’énergie et au climat entraîne des dérives de calendrier et un manque de clarté et d’appropriation des objectifs à horizon 2030. »
Le HCC rappelle que certaines lois n’ont toujours pas été formellement adoptées. Pour en citer quelques-unes, la loi de programmation énergie et climat définit les objectifs de réduction des émissions, du mix de production électrique, du développement des énergies renouvelable, sur un cycle de 5 ans. Le Plan national d’adaptation au changement climatique n’a pas été publié, il est pourtant essentiel au vu de l’accélération des impacts négatifs liés au changement climatique sur notre territoire.
Le HCC reste optimiste pour les objectifs 2030, moins pour la période suivante.
« Malgré ces retards, l’évolution du cadre d’action des politiques publiques et des émissions sur la période du 2e budget carbone (2019-2023) permet de conclure pour la première fois que l’objectif 2030 du paquet « Fit for 55 » est accessible, à condition de consolider rapidement et de poursuivre les efforts actuels dans la durée, mais aussi de préserver les capacités d'absorption des puits de carbone forestiers. Cependant, un renforcement des actions structurelles est indispensable, avec un cap clair pour la décennie 2030-2040, pour se doter de la capacité d’atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. L’alignement des politiques en place avec l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 est actuellement insuffisant. »
Le World Economic Forum vient lui aussi de publier le classement des pays selon un indice de transition fondé sur la performance de leur système énergétique, leur préparation pour une transition juste, équitable et fiable de ce système. Cette année, la France apparaît en 5ème position, après la Suède, le Danemark, la Finlande et la Suisse. Un excellent résultat ! 3
Si la transition avance en France, il n’en est pas de même partout. Dans une étude nommée « On n’aura plus de pétrole, mais a-t-on des idées ? », Nicolas Haese et Eva Zarbo (CIC Market Solutions) reviennent sur les tendances actuelles d’émissions des Gaz à Effet de Serre et passent en revue les solutions technologiques bas carbone qui existent dans divers secteurs de l’économie (énergie, - électricité, pétrole et gaz- et mobilité – air, mer, rail, route). Cette étude est notamment intéressante car les auteurs ont interrogé 21 entreprises européennes sur les apports attendus de ces solutions bas carbone à leur transition. Cette question est essentielle car une réponse négative risquerait de conduire au fait que seule la décroissance de l’économie pourra globalement nous permettre de limiter le réchauffement de la planète. Les premières conclusions de cette étude ne sont pas très encourageantes. Il ressort en effet que l’équation est compliquée, entre les limites physiques et économiques. Il apparaît qu’en l’absence de subventions publiques ou de nouvelles réglementations sur la prise en compte du vrai coût du carbone, de ses externalités négatives, il ne sera pas intéressant pour la plupart des entreprises d’utiliser les solutions qui existent.
Néanmoins, la voie de la décroissance serait encore plus coûteuse et que, d’un point de vue purement économique, il pourrait être rentable pour les Etats de privilégier la voie des subventions massives ou d’imposer des prix du carbone bien plus élevés.
Une autre voie pour la transition a été rappelée la semaine passée par Cédric Ringenbach (Blue Choice, entreprise dont le nom est fondé sur la couleur du scénario « bleu » de l’Accord de Paris), lors d’une soirée « Future of Decarbonization » organisée avec plusieurs partenaires. Cédric a ainsi rappelé comment on pouvait raisonner sur l’identité de Kaya par secteur, en la cassant et en la réparant, afin de travailler sur le découplage entre croissance et énergie. Un exemple concret est d’optimiser l’espace utilisé à l’intérieur d’un camion ! En effet, en demandant d’être livré toujours plus vite, le taux d’utilisation des camions finit par baisser en continu, et nombre de camions retournent à vide. Ralentir les délais permettrait, selon une entreprise de transport présente, d’augmenter significativement le taux de remplissage et donc d’abaisser significativement des émissions de CO2.
Nous vous remettons en source la vidéo présentant le résumé de la Fresque du Climat fondée par Cédric, la présentation de l’identité de Kaya qui est un outil intellectuel puissant, et ses analyses sectorielles. 4
En résumé, la transition avance, les entreprises s’y engagent, mais il reste beaucoup à faire. Il est essentiel qu’elle soit portée de manière coordonnée par les pouvoirs publics et les acteurs privés. Le besoin de visibilité du cadre législatif et réglementaire est essentiel !
Sources :
- https://www.hautconseilclimat.fr/a-propos/ ;
- https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2024-tenir-le-cap-de-la-decarbonation-proteger-la-population/ :
- https://www.weforum.org/agenda/2024/06/energy-transition-index-top-countries-2024/#:~:text=top%20the%20index-,Advanced%20economies%20are%20generally%20the%20top%20performers%20in%20the%20Energy,12%25%20reduction%20in%20energy%20intensity.
- https://www.youtube.com/watch?v=8KhME__n8mw
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